Les femmes

À la recherche de l’amour

 

Alors qu’il s’élance vers Paris, le jeune garçon décide d’être « séducteur de femmes ». À son arrivée il s’engage dans deux intrigues simultanées. Frémissant d’un amour platonique et presque enfantin pour Adèle Rebuffel, la fille, il vibre d’un violent désir charnel pour la mère. Ce qui ne l'empêche pas de rêver de Victorine Mounier. À la fin de 1804, Henri Beyle rencontre une jeune actrice, Mélanie Guilbert. Il lui fait une cour timide puis la rejoint à Marseille où elle vient d’être engagée. Ce sera, pendant un an, la seule expérience de vie en couple que connaîtra Stendhal. Pendant son séjour à Brunswick, Stendhal noue une brève aventure avec Mina de Griesheim avant de se rendre compte de son goût pour Alexandrine, épouse de son cousin Pierre Daru.

 

Louis Crozet. Consultation pour Banti, avec des annotations de Stendhal, R.9975 Rés.
Consultation pour Banti, par Louis Crozet, avec des annotations de Stendhal
R.9975 Rés.

 

En 1811, Stendhal est, curieusement, très amoureux d’Alexandrine, épouse de son protecteur Pierre Daru et mère de quatre enfants. « Ses traits annoncent de la force, de la rondeur et de la gaieté dans le caractère. » Il demande à son ami Louis Crozet d’analyser le caractère de Madame de B [Alexandrine Daru] afin de savoir s’il doit poursuivre le « siège » ou renoncer à sa passion. Crozet écrit cette Consultation en faveur de la Duchesse de B*** pour Banti, que Stendhal a lue, relue et annotée en 1819 : « le seul conseil à donner était Attaque ! Attaque ! Attaque ! » Cet « amour de tête » n’est pas un obstacle à une liaison avec Angéline Bereyter, une cantatrice de l’opéra bouffe qu’il entretient, mais « que je n’ai jamais aimée », tient-il à préciser.

 

De l’Amour

« C’est un livre écrit au crayon à Milan, dans mes intervalles lucides » révèle Stendhal. Selon Victor Del Litto, il l’aurait remanié à Paris en 1821. Ce que l’auteur qualifie de « livre d’idéologie » sur l’amour est en fait un ouvrage fort peu anodin où il exorcise par l'écriture sa passion malheureuse et dévastatrice pour Métilde Dembowski. Il renferme un ensemble de textes traitant des formes de l’amour selon les pays, les époques, du mariage et de l’éducation des femmes. Stendhal y développe des idées très nouvelles, comme celle de donner « aux jeunes filles […] exactement la même éducation qu’aux jeunes garçons », idée qu’il reprend dans Rome, Naples et Florence en affirmant que « l’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation. » (Vie de Henry Brulard).

 

« L’amour de Bathilde de Chasteller est tout entier de retenue. […] La jeune femme ne se donne jamais. […] Dans Lucien Leuwen l’amour se prouve et s’éprouve dans la distance. » (X. Bourdenet). Pour cette jeune bourgeoise milanaise aux « yeux mélancoliques et timides », Stendhal brûle d’un amour probablement sans retour. Madame de Chasteller, dans La Chartreuse de Parme doit sans doute beaucoup à Métilde. « Mais auprès de Léonore [Métilde], je trouvais un monde où tout était céleste, tendre, généreux » (De l’Amour).

 

« Et des yeux bleus fort beaux…», Lucien Leuwen, R.301 (1) Rés., folio 77
« Et des yeux bleus fort beaux…»
Lucien Leuwen, R.301 (1) (1) Rés., folio 77 recto

 

Après sa rupture avec Métilde, Stendhal éprouve un profond désespoir et reste longtemps solitaire. Il rencontre Clémentine Curial, à Paris, en 1821. Trois ans plus tard commence une liaison passionnée, que « Menti » rompt brutalement en septembre 1826. Clémentine Curial quitte Stendhal brusquement. Liera-t-il échec amoureux et impuissance ? Peut-être est-ce une explication à la parution en 1827 de son premier roman, le si déroutant Armance, fondé sur l'impuissance masculine.

 

Armance ou quelques scènes d’un salon de Paris, V.31501 Rés.
Armance ou quelques scènes d’un salon de Paris, V.31501 Rés.

 

Alberthe de Rubempré lui apporte, alors, le réconfort d’un amour « frénétique ». Stendhal rencontre Alberthe de Rubempré (1804-1873) en 1828, grâce à Delacroix dont elle est la cousine. Cette brève liaison, « un mois au plus », avec « Madame Azur », inspirée probablement plus par les sens que par le cœur, le distrait de la douloureuse rupture de « Menti ».

 

Alberthe de Rubempré (1804-1873), dessin par Tony Johannot extrait de Album de Rubempré [Album de ma mère], R.90864 Rés.
Alberthe de Rubempré (1804-1873), dessin par Tony Johannot
Album de ma mère, R.90864 Rés.

 

Directement inspirées des amours de l’écrivain, la plupart des héroïnes stendhaliennes sont des personnages hors du commun. La fougueuse Mathilde de La Mole semble bien avoir hérité de l’altière et romanesque « Menti », « Louason » son amour de jeunesse a, sans doute, nourri la personnalité lucide, énergique de Lamiel, tandis que la duchesse Sanseverina ferait écho à la lumineuse Angela.

 

Lamiel, R.298 (2) Rés., folio 4
Lamiel, R.298 (2) Rés., folio 4 recto

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