Les femmes

« De la naissance de l’amour »

 

« Je voulais couvrir ma mère de baisers et qu’il n’y eût pas de vêtements » (Vie de Henry Brulard). À plus de cinquante ans, Stendhal s’arrête sur sa vie, écrit ses souvenirs dans la Vie de Henry Brulard et parle de sa mère : « Ma mère Madame Henriette Gagnon était une femme charmante et j’étais amoureux de ma mère », et comme pour s’excuser de ce sentiment violent, presque incestueux, ajoute « il y a quarante-cinq ans que j’ai perdu ce que j’aimais le plus au monde. » C’est la toute première femme aimée, celle dont l’image sans cesse idéalisée accompagnera toute sa vie d’homme et d’écrivain. « L’amour a toujours été pour moi la plus grande des affaires, ou plutôt la seule. »

 

Liste des femmes aimées, Vie de Henry Brulard, R.299 (1) Rés., folios 54
Liste des femmes aimées
Vie de Henry Brulard, R.299 (1) Rés., folio 54

 

Très protégé par sa famille, privé de camarades de son âge, l’enfant s’évade par le dessin, la lecture. Plus tard il questionne les livres pour trouver des réponses à ses interrogations d’adolescent sur les femmes, l’amour. La Nouvelle Héloïse ou Félicia ou mes fredaines le rendent « fou absolument ». La peinture lui apporte des émotions semblables. Dès son admission à l’École centrale, qui lui donne une relative liberté, il se mêle timidement à la jeunesse, assiste à des concerts, des spectacles de comédie ou d’opéra au théâtre, se promène dans le Jardin de Ville tout proche.

 

C’est pour une jeune comédienne, Virginie Kubly, d’abord aperçue sur une affiche avant d’être découverte sur scène, que le jeune homme connaît ses premiers transports amoureux. « Un matin, me promenant seul au bout de l’allée des grands marronniers au jardin de ville, et pensant à elle comme toujours, je l’aperçus à l’autre bout du jardin, contre le mur de l’Intendance (J’étais en H, je l’aperçus en K) qui venait vers la terrasse. Je faillis me trouver mal et, enfin je pris la fuite comme si le diable m’emportait, le long de la grille par la ligne F. »

 

La rencontre avec Virginie Kubly, Vie de Henry Brulard, R.299 (2) Rés., folio 222
La rencontre avec Virginie Kubly
Vie de Henry Brulard, R.299 (2) Rés., folio 222 recto

 

« Rien ne pouvait être commun ou plat dès qu’elle paraissait ». « Le bonheur de la voir de près, à cinq ou six pas de distance, était trop grand, il me brûlait, et je fuyais cette brûlure, peine fort réelle ». « Il n’y avait qu’un être au monde : Melle Kubly, qu’un événement : devait-elle jouer ce soir-là, ou le lendemain ? »

 

La complicité établie dès l'enfance entre Henri Beyle et l’aînée de ses sœurs, Pauline, se poursuit après le départ du garçon dans un échange de lettres régulier pendant près de dix ans. Convaincu que la Femme (par conséquent sa sœur) peut être « extraordinaire » si elle reçoit la même éducation que l’homme, il tente d’éduquer à distance sa « cara sorella ».

 

Lettre autographe à Pauline Perier-Lagrange. [Paris], 5 mai [1810], N.3514 Rés.
Lettre autographe à Pauline Perier-Lagrange. [Paris], 5 mai [1810]
N.3514 Rés.

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