Jacques-Joseph
« Je fus tour à tour son père, son maître, son élève. »
Jacques-Joseph Champollion dit « Figeac », né en 1778, a connu une scolarité épisodique due à la période révolutionnaire. Enfant, il apprend seul et se nourrit des livres de la librairie paternelle. Arrivé à Grenoble, brillant et ambitieux, il ne tarde pas à se faire une place dans le milieu intellectuel et savant et fait bénéficier Jean-François de ses livres et de ses relations. Comme son jeune frère, Jacques-Joseph est un travailleur infatigable, aux goûts plus éclectiques néanmoins. S’il participe également par ses recherches aux débuts de l’égyptologie, il s’intéresse plus généralement aux langues anciennes, à l’histoire antique et à l’archéologie.
En 1812, Jacques-Joseph trouve un insecte à l’intérieur de la grande momie, alors conservée par la bibliothèque de Grenoble parmi ses Antiques. Bibliothécaire, mais aussi garde du Cabinet d’histoire naturelle de Grenoble, Jacques-Joseph trouve en Faujas de Saint Fond (1741-1819), professeur de géologie au Muséum d’histoire naturelle à Paris, un conseiller et un relais auprès des Muséums de Paris et de Suisse. Il publie en 1814 le résultat des échanges liés à cette découverte d’une nouvelle espèce d’insecte.
Pendant ses années grenobloises, outre son travail à la bibliothèque municipale qu’il contribue à faire rayonner en accroissant les collections, il étudie la ville antique et fait des découvertes archéologiques qui demeurent d’actualité. Il garde toute sa vie un lien étroit avec Grenoble, notamment grâce à sa femme Zoé Berriat, issue d’une grande famille du Dauphiné, avec laquelle il a six enfants.
Jacques-Joseph trouve l’occasion de mettre en valeur le travail de sa première année de bibliothécaire-adjoint, tout en faisant « connaître les noms des Amis des Sciences et des Lettres qui, par leurs libéralités, ont contribué à l’accroissement de la Bibliothèque de la ville de Grenoble ». A côté d’une stalactite rapportée du Lot et donnée par un certain J.J.C.F., on découvre que le conseil municipal de la ville a voté la somme de quinze cents francs pour servir à un « compte pour l'achat de l'ouvrage que la Commission d’Égypte doit publier […]. » : la fameuse Description de l’Égypte.
Dès 1802, Jacques-Joseph s’intéresse à l’archéologie dauphinoise. En spécialiste de l’histoire antique, il appuie sa réflexion sur les monuments antiques et les textes anciens, contrairement à « ces auteurs aventureux, infidèles de bonne foi, mais malheureusement trop peu instruits pour avoir pu choisir entre les conjectures les moins probables et la vérité quelquefois la mieux prouvée. » Une parution dans la revue fondée par l’archéologue Aubin-Louis Millin (1759-1818) lui permet de se faire mieux connaître des archéologues français et de nouer des relations utiles, à Paris, à son frère et lui.
Lue le 22 frimaire An XII (14 décembre 1803) devant la Société des sciences et des arts de Grenoble, la Dissertation sur un monument souterrain existant à Grenoble permet au jeune auteur de 25 ans de démontrer que la crypte de l'église Saint-Laurent est, non un temple païen, mais une église paléo-chrétienne, qu’il date du VIIIe siècle. Cette découverte a été confirmée par les recherches ultérieures. Le 24 décembre de cette même année, il devient membre de la Société des sciences et des arts de Grenoble, dont il sera secrétaire de 1806 à 1815.
Un triptyque de buis sculpté, autrefois conservé dans les collections archéologiques de la bibliothèque de Grenoble, est aujourd’hui conservé au Musée de Grenoble. Sur la face antérieure et sur ses ailes sont représentées, selon le style artistique byzantin, les douze grandes fêtes de l’Église orthodoxe. Sur sa face postérieure, on peut lire une inscription grecque, que Jacques-Joseph, qui s’occupe pour la première fois de cette œuvre, déchiffre à l’exception d’un seul mot. Le résultat de ses recherches permet de dater cette œuvre du XIIIe siècle.
Le préfet Fourier sollicite Jacques-Joseph à de nombreuses reprises pour des travaux officiels. Ainsi, en 1807, lui demande-t-il, au nom du Ministère de l’intérieur, de collecter les patois dans le département. Jacques-Joseph liste ici les mots "gaulois" du patois de l'Isère et consacre une partie de l’ouvrage aux œuvres de Jean Millet et Blanc la Goutte, mettant pour la première fois à l'honneur de manière savante, l’auteur du Grenoblo Malhérou.
C’est à Paris qu’il continue sa carrière à la fin des années 1810, tout en accompagnant celle de Jean-François, moins habile que lui pour trouver des emplois rémunérés. Il y occupe des postes prestigieux : conservateur du département des manuscrits de la Bibliothèque royale (future Bibliothèque nationale), professeur de paléographie au sein de la toute nouvelle École des chartes et conservateur de la bibliothèque du Palais impérial de Fontainebleau.
Jacques-Joseph commence, dans les années 1850, une Histoire des peuples anciens et modernes, par zone géographique. Cette édition colorée du premier et unique volume concernant l'Asie orientale témoigne de son souci permanent de vulgariser l'état des connaissances historiques de son époque.
Après la mort de Jean-François en 1832, il publie ses ouvrages inédits, protège sa mémoire et s’assure de la bonne conservation de ses manuscrits, qui rejoignent la Bibliothèque royale. Jean-François ne serait sans doute pas devenu Champollion sans celui qui fut à la fois son premier protecteur, son mentor, son professeur, puis, après sa mort, son éditeur et son biographe.
Au-delà de ce lien intellectuel, les lettres de Jean-François à son aîné témoignent de ce lien fort d’affection fraternelle qui les unit tout au long de leur vie.