Le palais du Parlement
Un édifice emblématique de la justice et du Dauphiné
Sur la place Saint-André, s’élève l’un des trésors de Grenoble : le palais du Parlement. La valeur patrimoniale de ce lieu tient tant au prestige de l’institution qu’il a abritée, qu’à la qualité de son architecture. L’édifice actuel est le fruit d’une longue évolution et de différentes phases de construction qui s’étendent de la fin du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle. Il est aujourd’hui protégé Monuments historiques.
La façade du palais du Parlement est le fruit de trois campagnes de construction. La partie gothique, la plus ancienne située au centre, date de la fin du XVe siècle. Elle comprend la chapelle et la porte d’entrée. L’aile droite, en pierre grise, est élevée dans le style Renaissance au cours du XVIe siècle. La construction de l’aile gauche, en pierre blonde, intervient à la fin du XIXe siècle et reprend l’allure de la partie droite.
Le Parlement de Dauphiné, créé en 1453, est une cour chargée de rendre la justice au nom du roi. Le droit n’étant pas encore unifié à l’échelle du royaume de France, cette cour enregistre également les décisions royales après avoir vérifié leur compatibilité avec le droit local de la province. Sa présence confère à la ville le rôle de capitale du Dauphiné.
Le dauphin Louis II, futur roi Louis XI, crée le Parlement de Dauphiné en 1453. Il charge le juriste lyonnais Mathieu Thomassin de dresser un recueil des droits, privilèges et libertés de la province. Le Parlement, tout en étant le relais de la justice du roi, veille à la compatibilité des actes royaux avec le droit local et se pose ainsi en défenseur de la province. Ce manuscrit a appartenu à un président du Parlement, Claude Expilly (1561-1636). Magistrat et poète, il est avocat général puis président du Parlement de Dauphiné. Bibliophile, il réunit de nombreux ouvrages. Certains d’entre eux, acquis par l’évêque de Grenoble Jean de Caulet, font partie des premières collections de la bibliothèque.
Louis Mandrin est un célèbre contrebandier qui sévit sous le règne de Louis XV, au début du XVIIIe siècle. À la tête d’un important groupe, il agit sur les routes du Dauphiné, de la Franche-Comté et de la Bourgogne et défie l’armée du roi ainsi que les fermiers généraux chargés de collecter l’impôt. Il est condamné en 1755 à Valence à la peine la plus infamante, le supplice de la roue. Sa mort marque le début d’une légende, celle d’un bandit défiant les riches et l’injustice pour défendre les pauvres. Plusieurs de ses compagnons de route sont arrêtés quelques mois plus tard. Le Parlement de Grenoble est chargé de leur procès et de leur condamnation.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’activité du parlement constitue la principale ressource économique de la cité et les membres du parlement dominent la société grenobloise. Leur position, liée au fait qu’ils sont issus de l’ancienne noblesse foncière ou récemment anoblis, se fonde aussi sur la conviction partagée par tous les habitants que la prospérité de la ville repose sur la présence du Parlement.
Le 7 juin 1788, la journée des Tuiles traduit bien l’attachement des Grenoblois à cette institution. Par des jets de tuiles, ceux-ci s’opposent au départ des parlementaires exigé par la monarchie suite à leur refus d’enregistrer une décision royale. Après la dissolution du Parlement en 1790, le bâtiment devient le tribunal jusqu’à son départ en 2002.
Le séminariste Antoine Berthet, sous l’emprise de la passion, tente d’assassiner Madame Michoud de la Tour, à coups de pistolet tirés dans une église. Stendhal s’inspire de cette tentative d’homicide et invente, dans Le Rouge et le Noir, le nouveau héros moderne : Julien Sorel. Celui-ci présente des ressemblances frappantes avec Antoine Berthet : un jeune homme se sentant humilié par sa condition sociale. Berthet, condamné à mort par la cour d’assises de l’Isère, est exécuté sur la place Grenette le 23 février 1828.
L’édifice a été le siège de la justice pendant plus de cinq cents ans. L’appellation familière « Place du Trib » pour désigner la place Saint-André conserve la mémoire de cette occupation séculaire des lieux.