Des belvédères urbains
Grenoble et la montagne
« Grenoble, capitale des Alpes »… la montagne s’impose vraiment dans l’imaginaire grenoblois au cours du XIXe siècle. Cette évolution est liée au rôle grandissant joué par la ville dans la défense des Alpes depuis le début du XVIIIe siècle puis par le développement des excursions pratiquées par les élites.
L’essor touristique, industriel, universitaire et démographique conforte les liens qui unissent Grenoble à la montagne. Ce rapport étroit trouve une première traduction spatiale au sein du jardin des Dauphins. Son réaménagement au début du XXe siècle comprend des terrasses offrant des points de vue sur la ville et les montagnes.
Les Guides Joanne, devenus les Guides Bleus en 1919, sont des ouvrages célèbres qui ont contribué à façonner les représentations du territoire. La série des Itinéraires couvre l’ensemble de la France. L’Itinéraire descriptif et historique du Dauphiné propose plusieurs « profils de montagnes », dont un dessiné par l’artiste Diodore Rahoult et consacré aux massifs environnant Grenoble.
Dans l’entre-deux-guerres, Grenoble souhaite conforter sa position de cité touristique tournée vers les montagnes vis-à-vis d’autres villes comme Chambéry. Elle se dote alors de deux belvédères urbains : la tour Perret et le téléphérique de la Bastille, aménagés dans l’optique de jouir de la vue sur la ville et les montagnes.
La tour, bâtie en 1925 pour l’Exposition internationale de la Houille blanche et du Tourisme, est qualifiée de « tour pour regarder les montagnes » par son architecte, Auguste Perret, à l’emplacement de l’actuel parc Paul-Mistral. Cette manifestation attire plus d’un million de visiteurs pendant près de cinq mois. La tour d’orientation en béton armé offre une vue sur les montagnes et la ville depuis une plateforme située à 60 mètres de haut. Cette terrasse, accessible par un ascenseur et un escalier, est équipée d’une table d’orientation. Fermée au public depuis 1960, la tour est en cours de restauration afin d’être à nouveau ouverte.
Le guide de l’Exposition internationale de la Houille blanche et du Tourisme, vendu aux visiteurs, décrit la tour Perret en ces termes : « Du haut de ce vertigineux belvédère les foules enthousiasmées par la vue d’un panorama incomparable embrassent d’un coup d’œil le sommet des Alpes qui entourent Grenoble : la vallée du Drac, l’Obiou, le Taillefer, la croix de Chamrousse, les pics de Belledonne, le massif des Sept Laux, la vallée de Grésivaudan, le massif de la Chartreuse, la trouée de l’Echaillon, le massif du Vercors, etc. »
Dans les années 1930, plusieurs sites et villes situées au pied de massifs montagneux se dotent de transports par câble pour gagner un sommet proche. C’est le cas d’Annecy, d’Aix-les-Bains ou de Genève, où le téléphérique du Salève, comme les « bulles » de Grenoble, est toujours en fonctionnement.
Le téléphérique, inauguré en 1934, est un équipement jusqu’ici implanté en milieu montagnard. La ville affirme ainsi un lien physique et symbolique avec la montagne et donne une nouvelle vocation au site de la Bastille. Le sommet et les différents aménagements militaires deviennent des plateformes ouvertes à la contemplation du paysage.
Les gares du téléphérique sont édifiées par l’architecte qui construira la bibliothèque d’étude et du patrimoine, Jean Benoit. La gare inférieure, remplacée dans les années 1970 par le bâtiment actuel, se composait de deux éléments principaux : une voûte qui enjambe la rue et une tour qui abrite le dispositif technique et le quai d’embarquement. Cette forme fait écho à la Tour de l’Isle, datant du XVe siècle, qui fait aujourd’hui partie du musée de Grenoble. Elle évoque également les portes ouvertes dans les enceintes qui ont ceinturé la ville jusque dans les années 1920.
La tour Perret et le site de la Bastille, protégés Monuments historiques, et bien sûr les « bulles », sont reconnus aujourd’hui comme des patrimoines incontournables de la ville.