L’art des fortifications
Un développement urbain au cœur d’enceintes successives
Sous la plume d’ingénieurs et d’architectes, une importante littérature consacrée à l’art des fortifications se développe à partir du XVIe siècle. Elle a probablement inspiré les bâtisseurs des enceintes successives de la ville.
Jean Errard (1554-1610), originaire de Bar-le-Duc dans l’est de la France et ingénieur militaire sous le roi Henri IV, introduit en France le système des fortifications bastionnées mis au point par les Italiens. Celui-ci remplace les enceintes circulaires médiévales devenues inopérantes face aux progrès de l’artillerie. Les remparts sont désormais dotés d’un tracé géométrique qui supprime les angles morts et les bastions se substituent aux tours. Ce modèle se diffuse dans toute l’Europe jusqu’au XIXe siècle.
Pendant douze siècles, Grenoble fut une cité fortifiée. Le premier rempart élevé au IIIe siècle, dont des vestiges subsistent dans le centre ancien, enserre la ville jusqu’à la fin du XVIe siècle.
La terrasse du musée Stendhal est appelée la Treille de Stendhal. Dans ce lieu d’agrément, le docteur Gagnon fait réaliser une pergola et des caisses en châtaignier pour faire pousser une vigne et de nombreuses variétés de fleurs. Cette terrasse s’appuie sur le rempart gallo-romain élevé sous les règnes des empereurs Dioclétien et Maximilien à la fin du IIIe siècle. À cette époque, les fortifications assurent un rôle défensif et une fonction honorifique. Elles font en effet partie des attributs qui confèrent à la ville son caractère urbain.
Cette représentation de Grenoble, antérieure à la construction des fortifications Lesdiguières de la fin du XVIe siècle, figure l’enceinte réelle et une enceinte imaginée. La première, avec sa forme circulaire régulièrement ponctuée de tours, correspond au rempart gallo-romain élevé au IIIe siècle. La seconde, qui n’existe pas lorsque cette gravure est réalisée, esquisse une forme bastionnée.
Située à la frontière de la Savoie et du Piémont, Grenoble est alors considérée comme une place militaire d’importance et connaît deux principales campagnes de construction de système fortifié. La première intervient dès la fin du XVIe siècle sous l’impulsion du duc de Lesdiguières.
En 1784, les fortifications construites par Lesdiguières, agrandies à l’ouest par le lieutenant-général de Créqui à la fin du XVIIe siècle, enserrent la ville. La conception et les travaux de l’enceinte Lesdiguières sont vivement critiqués par Vauban, le célèbre bâtisseur de places fortes sous Louis XIV. Le projet d’amélioration qu’il propose n’est jamais réalisé.
La ville est entourée d’une enceinte bastionnée qui se prolonge le long des flancs de la Bastille pour intégrer le fort bâti à son sommet. De ces fortifications, demeurent notamment la porte de France et la porte Saint-Laurent.
L’accès aux cités fortifiées se fait par des portes ouvertes dans l’enceinte, surveillées et fermées la nuit. La porte de France, achevée en 1620, tire son nom de sa situation. En effet, elle s’ouvre sur la route qui donne accès à Lyon et au royaume de France. Elle accueille les entrées solennelles des personnalités de marque qui traversent ou séjournent dans la ville. La façade orientée vers l’extérieur a ainsi reçu un décor soigné. La porte de France et la porte Saint-Laurent sont protégées Monuments historiques.
La seconde campagne, conduite par le général Haxo, s’étend de 1824 à 1848 et reprend entièrement la Bastille. La construction de nouvelles fortifications occasionne la démolition des anciennes murailles, désormais situées à l’intérieur de la cité. Les vastes terrains libérés autorisent la création de nouvelles portions de ville. Ainsi, la construction de l’enceinte Haxo (1824-1848) donne lieu à l’aménagement de la place d’Armes (actuelle place de Verdun) sur l’emprise des fortifications Lesdiguières (fin XVIe siècle). La place Victor-Hugo est quant à elle créée dans les années 1880 sur une partie de l’enceinte Haxo.
Dès son achèvement en 1848, l’enceinte Haxo se révèle caduque face à l’artillerie à plus longue portée et à obus explosif. En 1880, une nouvelle fortification est édifiée au sud, entre le Drac et la muraille Haxo, pour englober les faubourgs industriels qui se sont développés à l’ouest. L’arasement de la muraille entre ville et faubourgs libère une vaste surface qui donne naissance à la place Victor-Hugo et aux quartiers environnants. Les grands boulevards prennent quant à eux place sur le tracé de l’enceinte sud démolie à partir des années 1930.
Le site fortifié que nous connaissons aujourd’hui est un témoignage exceptionnel de ces aménagements militaires. Les principaux vestiges des enceintes sont protégés Monuments historiques.
La ville s’est ainsi construite à l’intérieur d’enceintes militaires successives qui jouent un rôle déterminant dans son organisation. Les fortifications délimitent l’emprise de la cité, elles autorisent et contraignent son développement au gré de leur construction puis des terrains qu’elles libèrent lors de leur démolition. À partir des années 1920, leur disparition définitive autorise l’importante expansion de la ville en direction du sud.