Les menus de la Belle Époque

 

S’il existe depuis le Moyen Âge des listes de plats élaborés et ordonnés pour un repas, le menu en tant qu’objet ne s’impose qu’au cours du XIXe siècle. Le déclencheur est le passage progressif du service « à la française » au service « à la russe ». Lors d’un repas servi à la française, le menu est superflu puisque tous les plats d’un même service sont bien visibles pour tous. Son utilité est plus évidente pour le service « à la russe » avec des plats servis un par un. Il devient alors un outil essentiel, un élément clef de la gastronomie.

 

Le menu témoigne également de la vie culturelle, sociale et politique d’une époque donnée. La fin du XIXe siècle ouvre l’ère de l’image avec la diffusion massive d’illustrations. Le développement des techniques d’imprimerie, la lithographie tout particulièrement, permet l’impression en plusieurs couleurs et la reproduction de nombreuses copies parfaitement identiques à bas coût. Le menu se transforme en support artistique et publicitaire. Il est à la fois souvenir de repas et de vie festive, source historique et gastronomique.

 

Poète, dramaturge et homme politique né à Domène, Gustave Rivet (1848-1936) est un ami intime de Victor Hugo. Il commence, à 35 ans, une très longue carrière politique de 41 ans : député, conseiller général et enfin sénateur de l’Isère jusqu’en 1924. La bibliothèque possède sa collection de menus.

 

Portrait de Gustave Rivet
Photographie par Henri Manuel
Pd.1 Rivet (Gustave) (15)

 

La Belle Époque est l’âge d’or des menus présidentiels français. Paris est le théâtre de nombreuses visites d’État. Les présidents font imprimer des menus de grande valeur et en confient leur réalisation aux artistes les plus réputés, comme Eugène Morand (1853-1930) pour le menu du repas offert au Tsar en 1901. La tradition des grands menus présidentiels français s’est perpétuée jusqu’à nos jours.

 

Repas offert au Tsar Nicolas II et à la Tsarine Alexandra par le président Émile Loubet, château de Compiègne, 20 septembre 1901
Vh.9861 (2)

 

Paris regorge alors d’artistes à qui passer commande. Ils trouvent dans cette activité un moyen de se faire connaître et de boucler leur fin de mois. C’est le cas du peintre et lithographe Marcel Bloch (1882-1966) qui fait d’abord carrière en réalisant des affiches, des prospectus de mode et des menus diffusés par l’éditeur Philippe Rosen (1871-1949).

 

Grand banquet offert à M. Poccardi, Chevalier de la Légion d'Honneur au profit des œuvres franco-italiennes d'orphelins de guerre, samedi 27 février 1926
Lithographie de Marcel Bloch
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Les avancées techniques en matière de lithographie permettent la création du menu publicitaire. Les grandes marques de produits alimentaires, et surtout celles d’alcools, en comprennent vite l’intérêt. Les menus vierges sont donnés gratuitement aux restaurants et aux particuliers via les marchands distribuant les produits. Il suffit de les compléter, à la main ou à la machine à écrire, dans l’encadrement prévu à cet effet.

 

Menu du Grand-Hôtel, 6 août 1911
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La révolution des restaurants entraîne une autre évolution : celle des palaces qui proposent une hôtellerie de luxe et une cuisine raffinée. Elle naît de la collaboration de l’entrepreneur suisse César Ritz (1850-1918) et du célèbre chef cuisinier français Auguste Escoffier (1846-1935). Ensemble, ils officient sur la Côte d’Azur, à Londres et enfin à Paris à l’Hôtel Ritz, ouvert en 1898 place Vendôme. La bibliothèque conserve aussi des menus d’autres célèbres palaces parisiens tels que le Grand-Hôtel, l’Hôtel de Crillon, le Meurice ou encore le Lutetia. Escoffier est l’inventeur de nombreux plats qu’il dédie à ses convives célèbres, comme ici, les filets de sole Coquelin. L’acteur Benoît Constant Coquelin a notamment été le premier interprète de Cyrano de Bergerac.

 

Menu de l’Hôtel Ritz, Paris, 3 juin 1917
Vh.9861 (2)

 

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