Billets de souscription, des grenoblois se mobilisent au dix-huitième siècle

 

Billet de Vidaud de Latour, R.9793 Rés.
Souscription de Jean-Jacques Vidaud de La Tour, président du Parlement de Grenoble
R.9793 Rés., folio 35r

 

La création de la première bibliothèque publique de Grenoble, comme d’autres avant elle, s’inscrit dans un mouvement d’ouverture des collections privées au public, amorcé à la Renaissance et qui s’accentue au 18e siècle. Cependant son histoire reste exceptionnelle, car elle est fondée grâce à une souscription publique menée par des érudits et notables grenoblois. Les billets de souscription, signés et mentionnant les sommes données, sont précieusement conservés.

 

Billets de Treillard, R.9793 Rés.
Souscription de Jacques-André Treillard, professeur de l’école de peinture et de dessin
R.9793 Rés., folio 13r

 

À l’origine de cette souscription : la vente aux enchères de la bibliothèque personnelle de l’évêque de Grenoble. Jean de Caulet, érudit et bibliophile, laisse à sa mort en 1771 une collection riche de plus de 34 000 ouvrages.

 

Ex-libris de Jean de Caulet, Ms.367 Rés.
Ex-libris de Jean de Caulet
Livre de l'information des princes
Ms.367 Rés.

 

Parmi les livres remarquables qui la composent, on trouve des manuscrits précieux, comme des Heures latines et le Livre de l'information des princes richement enluminées à la feuille d’or, ou encore Le champion des dames orné de 179 dessins aquarellés. L’évêque possédait également les éditions originales de grands écrivains français, tels Ronsard, Montaigne, du Bellay, Descartes, Corneille, Molière, Pascal, Racine, La Fontaine, Rousseau, Voltaire, ainsi qu’une collection d’incunables, les premiers livres imprimés en Europe.

 

Billet du chapitre de l'église de Grenoble, R.9793 Rés.
Souscription du chapitre de la cathédrale de Grenoble
R.9793 Rés., folio 1r

 

Jean de Caulet avait acheté certains d’entre eux lors des ventes aux enchères de bibliothèques privées, telles que celles de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), homme politique, Charles d’Orléans de Rothelin (1691-1744), homme d’Église et homme de lettres, ou encore Claude Expilly (1561-1636), magistrat et poète.

 

Billet de Belluard veuve Duboys, R.9793 Rés.
Souscription de Françoise Belluard, veuve de Gaspard Duboys, avocat à Grenoble
R.9793 Rés., folio 125r

 

L’ensemble de sa collection constitue une bibliothèque prestigieuse qui dépasse les frontières. Catherine II de Russie, ainsi qu’un prince de Milan, se montrent très intéressés. Toutefois, les grenoblois souhaitent que l’ensemble de la collection reste à Grenoble et qu’elle soit mise à la disposition du public. Une souscription est donc lancée le 15 janvier 1772 par André Faure, libraire et imprimeur, persuadé qu’elle compte parmi les « plus belles bibliothèques qu’il y ait en France ».

 

Billet des notaires, R.9793 Rés.
Souscription des notaires de Grenoble signée de M. Prié, notaire également chargé de réunir l’ensemble des sommes versées par tous les souscripteurs
R.9793 Rés., folio 7r

 

Billet des chartreux, R.9793 Rés.
Souscription du monastère de la Grande Chartreuse,
rédigée par M. Prié au verso d’un billet vierge
R.9793 Rés., folio 32v

 

Parmi les signataires de la souscription, on retrouve des nobles, des avocats, des procureurs, des membres du Parlement (comme Louis de Sauzin, conseiller au Parlement), des notaires, des médecins (dont le docteur Gagnon, grand-père de Stendhal), des commerçants, des professeurs, ainsi que des communautés religieuses.

 

Billet de Gagnon, R.9793 Rés.
Souscription de Henri Gagnon, docteur à Grenoble
R.9793 Rés., folio 17r

 

Les souscripteurs se réunissent pour élire parmi eux un conseil de douze administrateurs, présidé par Louis de Sauzin, et chargé de gérer l’achat de la collection et de trouver un lieu pour la bibliothèque publique.

 

Billet de Sauzin, R.9793 Rés.
Souscription de Louis de Sauzin, conseiller au Parlement de Grenoble
R.9793 Rés., folio 6r

 

Le 29 juillet 1772, André Faure peut enchérir à hauteur de 45 000 livres. La vente aux enchères de la bibliothèque de Caulet est dirigée par son neveu et héritier, le marquis de Grammont. Même si la somme proposée reste très en dessous du prix réel, l’héritier de l’évêque donne généreusement la priorité de l’enchère à Grenoble.

 

Billet des procureurs, R.9793 Rés.
Souscription des procureurs du Parlement de Grenoble
R.9793 Rés., folio 105r

 

La souscription, qui se poursuit avec toujours plus de donateurs, permet de couvrir les frais liés au premier établissement de la bibliothèque. Après négociations avec le Collège des Jésuites, un accord est trouvé en février 1773 pour mettre à disposition des locaux aux 2e et 3e étages de leur bâtiment, aujourd’hui devenu le Lycée Stendhal.

 

Billet des professeurs du Collège, R.9793 Rés.
Souscription des professeurs du Collège de Grenoble
R.9793 Rés., folio 29r

 

La première bibliothèque publique de Grenoble ouvre ses portes le 6 mai 1774. L’histoire de la bibliothèque municipale peut commencer…

 

Sources

JOCTEUR MONTROZIER, Yves (dir.). Mille ans d’écrits : trésors de la bibliothèque municipale de Grenoble. Grenoble : Glénat, 2000. 176 p.

 

MAIGNIEN, Edmond. La bibliothèque de Grenoble et ses premiers bibliothécaires : Étienne Davau, Étienne Ducros. Grenoble : Xavier Drevet, 1887. 53 p.

 

En savoir plus

Annonce de l’ouverture de la bibliothèque publique de Grenoble dans les Affiches, annonces et avis divers du Dauphiné du 6 mai 1774.

 

L’histoire de la bibliothèque d’étude et du patrimoine dans la visite guidée De pierres & de papiers : bâtir nos patrimoines sur PaGella.